Assainissement des eaux usées grâce à des filtres plantés

Nous avons souhaité installer un système d’assainissement qui soit en cohérence avec les enjeux écologiques actuels, tout en étant assurés que les eaux usées seront efficacement traitées et ne risqueront pas de polluer le sol.

Par souci d’économie d’eau et sachant que moins l’eau est polluée, moins il faut la traiter, nous avons choisi de nous équiper exclusivement de toilettes sèches. Ce qui représente une économie de 30 à 40% d’eau potable consommée et donc d’effluents à traiter.

En faisant le choix de ce système, les eaux usées ne sont que des « eaux grises » (vaisselle, douche, lave-linge) et donc exemptes de risques sanitaires. Créer un système de traitement des eaux usées par filtres plantés (ou phytoépuration) nous engage donc à n’utiliser que des produits les plus sains possibles pour l’environnement (naturels et biodégradables). Ce système, en plus d’être efficace et éprouvé, est peu couteux et d’un entretien simple.

Les eaux grises sont des eaux usées domestiques faiblement polluées (par exemple eau d’évacuation d'une douche ou d'un lavabo). Toute eau ne contenant ni polluant chimique, ni trace de matière fécale ni trace de produit chimique (hydrocarbure, médicament, etc.) peut être considérée comme une eau grise. Elles sont souvent à opposer aux eaux-vannes, qui contrairement aux eaux grises contiennent des matières fécales ou d'autres substances polluantes plus difficiles à traiter et éliminer.

Le processus épurateur utilisé est celui d’un filtre bactérien fonctionnant en aérobiose, c’est-à-dire grâce à l’oxygène de l’air. Les plantes aquatiques, à fort pouvoir épurateur, développent des racines et des rhizomes qui envahissent rapidement le substrat. Grâce à l’énergie solaire et lors de la photosynthèse, elles émettent de l’oxygène par leurs racines, permettant une bonne oxygénation du milieu et une bonne aptitude de filtration.

Le substrat drainant composé de galets et pouzzolane, ainsi que la rhizosphère (rhizomes des plantes) offre des milliers de m2 de surface pour les bactéries aérobies qui ainsi s’activent et transforment la matière organique contenue dans les eaux grises. L’eau est alors épurée.

Les plantes aquatiques ont bien d’autres propriétés :

  • Sous le vent, elles se balancent et participent à l’aération du substrat et empêchent son colmatage ;
  • Elles produisent des substances colloïdales qui sont capable de « casser » les molécules de nos médicaments chimiques et de nos détergents ;
  • Elles abritent de petits animaux détritivores (escargots, vers, …) et des oiseaux.

Le système de phytoépuration n’est qu’une réplique miniature de nos marais dont la fonction, universelle et vitale pour tous les êtres vivants, est de régénérer l’eau.

Avant de nous lancer dans la réalisation de notre système d’épuration des eaux grises, Guillaume a effectué une journée de formation avec une association lotoise « Graine d’eau », afin d’apprendre à réaliser lui-même ce système, et afin de dimensionner l’assainissement.

Le dimensionnement d’un assainissement comportant des plantes aquatiques est toujours pensé pour des conditions hivernales où le filtre bactérien est de 20 à 30% moins actif qu’en été. Cela signifie qu’en été, des personnes supplémentaires pourront occasionnellement être présentes sans surcharger l’installation. En hiver, les racines des plantes pourront être protégées du froid par un paillage. Il suffira alors de mettre une couche de 15 à 20 cm de paille en surface des bassins.

Ce type de système est généralement opérationnel (DCO en sortie du dernier bassin inférieur à 120 gm/l) dès sa mise en eau/plantation mais son fonctionnement ne sera optimal qu’après 1 ou 2 ans de fonctionnement, lorsque les rhizomes des plantes aquatiques occuperont le substrat minéral mis à leur disposition.

La DCO ou demande chimique en oxygène, mesure la totalité des substances oxydables, qu’elles soient biodégradables ou non (polluants organiques persistants ou organométalliques).

Actuellement, nous avons raccordé la Tiny à notre assainissement, mais tous les tuyaux ont été passés dans les tranchées afin d’anticiper le raccordement de la maison.

Etapes du traitement des eaux grises

Les étapes de ce système sont les suivantes :

  1. Le pré-taitement des effluents à la sortie de la tiny par passage dans un filtre à paille.
  2. Une distribution qui permet d’envoyer l’eau par alternance sur les deux premiers bassins du premier niveau.
  3. Le traitement des effluents au sein de 3 niveaux de bassins-filtres plantés
  4. L’effluent qui sort du système est épuré et exempt de bactéries pathogènes (pas d’eaux-vannes »). Il n’y a aucun risque sanitaire, on peut donc le diriger vers la tranchée d’infiltration perpendiculaire à la pente.

Emplacement de la phytoépuration, tranchées et pente

Le type de bassins filtres plantés est à flux horizontal, alimenté par le haut avec une sortie par trop-plein. Son remplissage est composé d’une colonne verticale de galets à l’entrée et à la sortie, et de pouzzolane au milieu. L’effluent circule ainsi horizontalement par effet piston.

Nous nous sommes attachés à ce que la filtration soit gravitationnelle. L’emplacement des bassins filtrants a donc été choisi en fonction de la pente nécessaire et profitera de l’ensoleillement offert.

La sortie des effluents de la maison doit se faire le plus haut possible. Dans notre cas, la sortie se fera par la cave, directement dans le haut de la buse qui traverse la route. En sortie de buse, le terrain est relativement plan. La tranchée creusée jusqu’au regard de distribution en amont des bacs filtrant a nécessité de respecter au minimum 2% (pour un écoulement par gravité), ce qui s’est fait au millimètre près (grâce à un laser) ! Théoriquement, on peut réduire la pente (1,5%) grâce à l’utilisation d’un filtre à paille en amont qui arrête des particules solides et génère un effluent fluide, mais nous préférions garder une marge de sécurité.

En ce qui concerne la pente des bassins filtrants, Guillaume a décaissé et stabilisé la terre à la mini-pelle à l’emplacement destiné aux bassins en respectant les pentes des canalisations (2%) et les hauteurs de chute et les niveaux requis pour chaque bassin.

Les tuyaux utilisés sont des PVC de 50 mm. Les tuyaux enterrés dans les tranchées doivent toujours être collés et doivent reposer sur un lit de terre fine pour ne pas subir les mouvements de sol.

Tranchée jusqu'au regard de distribution, avec une pente de 2%

Tranchée jusqu'au regard de distribution, avec une pente de 2%

Filtre à paille

Le filtre à paille est une simple passoire, contenant une poignée de paille ou de copeaux de bois, placée sous le regard de la sortie des effluents de la tiny. Les eaux grises arrivent au-dessus de la passoire par un coude amovible et déposent les particules grossières, les savons et les graisses. L’accès au filtre à paille doit être simple car la paille doit être changée toutes les semaines. Le coude amovible permet de sortir la paille usagée qui rejoint le compost et qui est remplacée par de la paille fraiche. Ce filtre à paille remplace le traditionnel bac dégraisseur et est plus efficace.

Il est conseillé de dégraisser les plats et les assiettes à l'essuie-tout (qui rejoindra ensuite le compost), pour éviter de surcharger le filtre à paille en graisses.

Regard de distribution

Juste avant les bassins filtrants, un regard étanche a été installé. Deux tuyaux sortent de ce regard et alimentent chacun un des deux bassins du premier niveau. L’alternance entre les deux bassins se fait tous les 15 jours, en obturant par l’intérieur une des deux sorties à l’aide d’un tube coudé.

Regard de distribution avec en entrée l'arrivée des eaux usées de la Tiny et en sortie, la répartition vers les deux premiers bacs filtrants du premier niveaux.

Regard de distribution avec en entrée l'arrivée des eaux usées de la Tiny et en sortie, la répartition vers les deux premiers bacs filtrants du premier niveaux.

Bassins-filtres

Tous les bassins sont des bassins dits horizontaux et fonctionnent par simple flux hydraulique naturel. Ils sont remplis de galets roulés et de pouzzolane. A l’entrée du bassin, il y a une colonne de galets qui permet la répartition pouzzolane et des racines des plantes. Il est collecté à la sortie par une colonne de galets. Le passage d’un bassin à l’autre se fait par trop-plein.

Pour faire l’étanchéité entre le tuyau et le bassin, on peut utiliser des traversées de paroi de 50 mm pour évacuer l’eau. Pour notre part, nous avons utilisé de la chambre à air de vélo, entourant les tuyaux, eux-mêmes rentrés en force. Entre l’entrée et la sortie d’un bassin horizontal, le dénivelé est de 10 cm (entre le bas de la canalisation d’entrée et le bas de celle de sortie) plus 2% de pente pour la canalisation entre les bassins. Cela permet une mini-chute de l’effluent sur un galet pour une meilleure oxygénation, un niveau d’eau situé sous la pouzzolane et un volume de captage suffisant en cas d’orage, afin d’éviter tout débordement. Ces bassins sont toujours pleins d’eau. Néanmoins, l’eau n’est pas visible car elle est à 5 cm sous le niveau de la pouzzolane.

Les bassins utilisés sont des abreuvoirs à chevaux de 600l. La forme ronde permet une distribution optimale de l’effluent au sein du substrat.

En sortie du bac, un espace vide de substrat permet de créer un regard intérieur. Il est créé à partir d’une buse entière en PVC coupée, de 20 cm de diamètre et de 60 cm de longueur environ (en fonction de la hauteur des bassins), posée verticalement. La buse est percée d’une soixantaine de trous de diamètre de 10 mm. Le regard est fermé par un couvercle en bois surmonté d’une grosse pierre pour permettre d’effectuer un nettoyage, de contrôler le niveau d’eau dans le bassin, de vidanger le bassin et de faire des prélèvements éventuels.

Un quatrième niveau a été prévu avec l’installation d’un nouveau bac qui complètera l’installation si cela se révèle nécessaire (agrandissement de la famille, aménagement de la petite maison, …).

Regard intérieur

Regard intérieur

Remplissage des bassins

Les bassins sont remplis comme suit :

  1. Au fond, quelques galets roulés de 150 à 200 mm bien agencés
  2. A l’entrée, une colonne verticale de 20 cm de diamètre de galets roulés de 40-60 mm
  3. En sortie, contre le regard intérieur, une colonne verticale de 15 cm d’épaisseur de galets roulés 40-60 mm
  4. Le centre est rempli de pouzzolane seule de 20-40 mm.

Nous sous sommes servis de deux tôles ondulées pour placer les deux colonnes de galets. Les tôles délimitaient ainsi un espace au niveau de l’entrée de l’effluent et autour du regard intérieur de la sortie. Ces deux espaces ont été graduellement remplis de galets roulés et dans le même temps, la pouzzolane était déversée au milieu.

Remplissage des bassins avec les galets roulés et la pouzzolane
Remplissage des bassins avec les galets roulés et la pouzzolane
Remplissage des bassins avec les galets roulés et la pouzzolane

Remplissage des bassins avec les galets roulés et la pouzzolane

Théoriquement, nous aurions dû utiliser de la pouzzolane de 20-30 mm. La pouzzolane que nous avons achetée n’était pas assez bien triée, et comportait des diamètres de 0 à 40 mm. Nous avons dû fabriquer des tamis afin de la tamiser entièrement et retirer les plus petits diamètres. Nous avons donc utilisé des diamètres de 20 à 40 mm. Nous en avons profité pour la laver afin de désobstruer les aspérités de la pouzzolane et faciliter l’implantation du chevelu racinaire des plantes.

Fabrication d'un tamis pour nettoyer la pouzzolane

Fabrication d'un tamis pour nettoyer la pouzzolane

L’effluent arrive au ras du bassin, au-dessus de la colonne de galets, puis s’écoule verticalement avant de passer dans la pouzzolane (chemin hydraulique préférentiel). Le bas de la canalisation de sortie est à 10 cm du haut du bassin et à 5 cm sous la pouzzolane.

Assainissement des eaux usées grâce à des filtres plantés
Assainissement des eaux usées grâce à des filtres plantés
Assainissement des eaux usées grâce à des filtres plantés

Plantation des bassins

La plantation s’est faite une semaine après le début de la mise en eau, afin d’attendre que les 3 niveaux de bacs soient remplis.

Les plantes installées sont les suivantes :

  1. Premier niveau (2 bacs) : iris d’eau (3 plants/m2)
  2. Deuxième niveau : phragmites et iris d’eau (5-6 plants par m2)
  3. Troisième niveau : menthe aquatique et joncs du chaisier (5 plants par m2)
Plantation des végétaux filtrants

Plantation des végétaux filtrants

Entretien du système

Ce système gravitaire fonctionne tout seul et son entretien est minime mais déterminant. En effet, une visite régulière est nécessaire pour alterner les bassins, vérifier que les canalisations ne sont pas bouchées et que les plantes se portent bien. Il faut également désherber si besoin en ne laissant que les plantes aquatiques.

Une fois par an, les plantes sont dédoublées.

Quelques mots notre système de toilettes sèches

Nous avons choisi le système de toilettes sèches à séparation d’urine. La cuvette comprend une récupération des urines qui vont directement sur le compost (on peut éventuellement des récupérées et les stockées dans un container pour utilisation comme fertilisant en dilution à 10%). L’intérêt de ce type de système est de limiter la manutention : le seau des toilettes n’est vidé plus que toutes les 3 semaines, contre 1 fois par semaine avant, et le poids est nettement plus faible !

Nous avons donc intégré dans nos tranchées des tuyaux de 20 mm pour l'évacuation des urines vers le compost.

Quelques mots sur les intérêts écologiques et sanitaires des toilettes sèches

L’intérêt le plus souvent mis en évidence de l’utilisation des toilettes sèches est qu’elles permettent d’économiser 30 à 40% de la consommation d’eau potable de la maison et donc autant d’effluents à traiter. Il faut rappeler que les eaux vannes représentent 60 à 80% de la pollution ménagère et aucun système d’assainissement n’est assez performant pour traiter efficacement ce type d’effluents (pollution par les bactéries fécales et les nitrates en aval). Cette pollution est durable.

Un autre intérêt à l’utilisation des toilettes sèches à compost est que la valorisation de nos déjections est essentielle pour le maintien de l’équilibre de la biosphère. L’épuration des eaux vannes détruit la matière organique de nos déjections ce qui est une perte loi d’être négligeable pour la terre. Nos déjections ne doivent plus être vues comme des déchets mais elles constituent une matière première importante (la biomasse humaine représenterait 40% de l’azote que l’agriculture mondiale). Pour respecter le cycle de la matière organique (en particulier celui de l’azote), il est essentiel de composter nos déjections.

Enfin, lors du compostage, la montée en température du tas permet d’assurer la destruction des bactéries fécales, ce qu’aucun système d’assainissement des eaux-vannes ne fait efficacement.

Quelques mots sur l’association Graine d’eau

Graine d’eau a pour buts la promotion et le développement de concepts, savoir-faire, techniques, voire produits nouveaux écologiques et alternatives concernant la gestion de l’eau, l’assainissement non collectif et des toilettes sèches.

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